Maman et Avocate : Comment Jongler avec Succès entre Barreau et Biberons
Depuis des décennies, la plupart des femmes avocates (comme toutes les autres femmes) sont confrontées à un défi de taille : être maman et avocate, et jongler entre leur carrière exigeante et leur rôle de mère. En effet, trouver l’équilibre entre le travail et les couches, c’est comme marcher sur une corde raide : un défi de tous les instants. Cette dualité entre la sphère professionnelle et la sphère personnelle constitue souvent un équilibre fragile, où trouver la juste mesure relève parfois d’un défi constant.
“80 % des avocats et 85,5 % des avocates estiment que la maternité demeure un frein dans une carrière, dont les sondés indiquent que l’effet pourrait n’être rattrapé que dans les 5 années suivant la naissance ou l’adoption.” (ACE, Enquête nationale sur la qualité de vie des avocats, 2017)
Puisque cette réalité touche toutes les femmes, nous avons entrepris de comprendre, à travers deux rencontres passionnantes, le quotidien de deux super mamans avocates. Aussi, nous leur avons posé 8 questions, afin de voir comment elles jonglaient avec ces défis.
Toutefois, dans un souci de confidentialité, les personnes interviewées ont souhaité rester anonymes.
Comment avez-vous réussi à concilier votre carrière d'avocate avec votre rôle de maman?
Julie, maman et avocate, livre son expérience avec une sincérité touchante. Avec son fils âgé de bientôt deux ans, elle avoue ne pas être certaine d’avoir pleinement réussi à concilier tous les aspects de sa vie. En effet, elle témoigne des ajustements qu’elle a dû faire, notamment en changeant de cabinet. Elle a fait ce choix “[…] pour avoir plus de flexibilité dans mes horaires et pouvoir m’organiser pour pouvoir, à la fois, gérer mes dossiers et facturer un certain nombre d’heures au cabinet, et être présente chez moi, notamment certains soirs pour voir mon fils et profiter de lui quelques heures.”
De son côté, Emah-Frédérique, également maman et avocate, exprime les défis rencontrés dans la recherche de cet équilibre délicat. Pour elle, “[…] C’est un équilibre journalier qu’il faut trouver. Et à ce jeu là, on est pas toujours gagnant. Parfois, on est plus présent sur le plan professionnel. Et parfois on est plus présent sur le plan personnel et familial.”
Quels sont les principaux défis que vous avez rencontrés en jonglant entre votre métier d'avocate et votre rôle de maman?
En jonglant entre leur métier d’avocate et leur rôle parental, Julie et Emah-Frédérique ont dû relever des défis de taille.
Ainsi, pour Julie, l’équilibre entre la disponibilité au cabinet et auprès de son enfant était une véritable épreuve. Il lui fallait « Être disponible à la fois au cabinet et pour mon enfant. Et ainsi répondre aux demandes et besoins sur les deux plans. »
De son côté, Emah-Frédérique souligne la difficulté d’articuler la charge de travail exigée par la profession avec les responsabilités maternelles. L’exercice d’être maman et avocate étant d’autant plus sportif avec de jeunes enfants. « La charge de travail requiert une certaine disponibilité et un certain investissement, normal au regard des impératifs de la profession. Cependant, cette charge de travail s’imbrique difficilement avec la charge maternelle qui requiert, elle aussi, une certaine disponibilité surtout lorsque l’on a des nourrissons. »
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes avocates qui aspirent à fonder une famille tout en poursuivant leur carrière juridique?
Face au défi de concilier la fondation d’une famille avec la poursuite d’une carrière juridique, Julie et Emah-Frédérique offrent des conseils précieux aux jeunes avocates.
Ainsi, pour Julie, il est important de s’écouter et de ne pas culpabiliser si l’équilibre entre vie professionnelle et vie familiale n’est pas parfaitement atteint dès le début. Cela est primordial. […] Et ne pas hésiter à échanger avec les associés du cabinet, si on est en collaboration, sur ses besoins. Idéalement en amont, dès « l’avant congé maternité » (ce que je n’ai pas fait bien sûr…).”
Quant à Emah-Frédérique, elle met en avant l’importance de “trouver un cabinet qui est ouvert et bienveillant vis-à-vis de la maternité. De trouver un cabinet qui prend des mesures concrètes permettant de veiller à ce besoin d’équilibre, au moins les premières années.”
La phrase de trop que vous avez pu entendre au travail quant à ce sujet?
Julie partage avoir du faire face à une incompréhension flagrante de ses besoins et de ses priorités en tant que mère et professionnelle. “Quand j’ai dit que je n’arrivais pas à tout gérer et que j’avais l’impression d’être partout et nulle part à la fois, on m’a répondu que la solution était de prendre une nounou pour gérer le 18-20h pour être présente au cabinet sans stress et culpabilité. Mais ce n’était pas mon souhait. En effet, je n’avais pas envie de voir mon fils en coup de vent le matin et le soir quand il est déjà couché.”
En fait, cette réaction met en évidence la déconnexion flagrante qui persiste dans le monde du travail concernant les réalités vécues par les mamans. Il est impératif de favoriser l’émergence d’une approche plus empathique et individualisée de la part des employeurs en matière de conciliation travail-famille. Cela implique de reconnaître et de prendre en compte les défis uniques auxquels sont confrontées les mères avocates dans leur quête d’équilibre.
Quelles sont les ressources ou le soutien que vous auriez aimé avoir de la part de votre employeur pour vous aider à concilier ces deux aspects de votre vie?
Julie aurait aimé pouvoir bénéficier d’une flexibilité accrue en matière d’horaires et de télétravail surtout à la fin de sa grossesse. “[…] Ce n’était jamais un problème en théorie. Mais on me faisait sentir que c’était mieux si je venais. J‘avais toujours l’impression de devoir me justifier, négocier ». Julie aurait également apprécié de ne pas retrouver une pile de dossiers urgents et complexes à son retour de congé maternité. Elle aurait aussi aimé avoir un entretien de retour pour échanger sur ses besoins. Mais aussi sur la façon dont elle pouvait s’organiser. « Je pense qu’il faut faire confiance à ses collaboratrices pour concilier maternité et productivité, mais leur laisser la flexibilité pour le faire.”
Emah-Frédérique, de son côté, reconnaît la bienveillance de son cabinet en matière de télétravail. “[…] J’ai la possibilité de faire 2 jours de télétravail par semaine, ce qui est plus que la majeure partie des cabinets parisiens. Je connais de nombreuses consoeurs qui n’ont pas la possibilité de bénéficier du télétravail. Ce constat démontre qu’il y a encore de fortes réticences sur ce sujet.”
Avez-vous dû faire des compromis dans votre carrière pour prioriser votre vie de famille, et si oui, comment les avez-vous gérés?
Julie décrit les compromis qu’elle a été contrainte de faire pour accorder la priorité à sa vie de famille. Elle a pris la décision difficile de changer de cabinet et de modifier le type de dossiers sur lesquels elle travaillait, bien qu’elle appréciait son équipe et son travail précédent ‘[…] Pour voir mon fils plus de 30 minutes par jour la semaine. Cela signifie aussi concrètement accepter une baisse de rémunération. […].”
Emah-Frédérique, comme de nombreux autres avocats, a elle aussi été confrontée à la nécessité d’être moins disponible sur le plan professionnel pour mieux répondre aux besoins de sa famille. : “ […] Ce n’est pas évident à gérer, mais la famille, de mon point de vue, passe avant tout. C’est donc un choix assumé.
Quelles sont les politiques ou les initiatives que vous aimeriez voir mises en place pour mieux soutenir les avocates qui sont également des mamans?
Julie exprime le besoin d’une sensibilisation accrue des cabinets sur les questions de maternité et de paternité : “Qu’il soit acté que les collaboratrices (et collaborateurs) puissent se rendre facilement aux consultations médicales et cours de préparation à la naissance lesquels sont en pleine journée […]. Nous sommes une profession libérale mais ces points là sont trop souvent difficiles à mettre en œuvre en pratique […]. En outre, il serait utile de mieux informer les avocates et les avocats sur les initiatives du barreau (je viens de découvrir qu’il y a une association pour les enfants par exemple). Et bien sûr, ouvrir une crèche (et/ou diffuser plus d’informations sur les aides et structures qui existent déjà).”
Emah-Frédérique partage le même avis. Elle met aussi en avant “la possibilité de faire du télétravail, la mise en place de crèches dans les grands cabinets et/ou au sein même du barreau. Cela serait une avancée notable. Comme avoir des échanges plus réguliers sur la question de la conciliation/l’équilibre avec la vie personnelle et familiale.”
Comment avez-vous maintenu votre passion pour le droit tout en étant une maman présente pour votre famille?
Julie souligne l’importance du soutien de son conjoint dans la gestion quotidienne de leur enfant. Son soutien lui a permis de maintenir sa passion pour le droit tout en étant une maman présente pour sa famille. Elle affirme que son amour pour son travail n’a pas changé depuis qu’elle est devenue mère. Cependant, elle partage avoir du adapter ses conditions d’exercice. « Je n’ai pas encore réussi à trouver le parfait équilibre mais j’y travaille.”
Emah-Frédérique met en avant le rôle de son équipe dans le maintien de sa passion pour le droit. “J’ai intégré une équipe qui me challenge au quotidien. Une équipe qui me pousse à me dépasser. Donc, il y a toujours cette réflexion, ce partage et cette quête d’originalité, de créativité dans la réponse pratico-pratique qui peut être apportée au client.”
Merci à Julie et Emah-Frédérique d’avoir joué le jeu de cette interview 🙂
Rue des Avocats est un cabinet de recrutement spécialisé dans l’approche directe de profils juridiques et fiscaux. Notre clientèle se compose de cabinets d’avocats, entreprises et Legaltechs, basés en France et en Belgique. Notre particularité est notamment celle de prendre en considération les soft skills du candidat dans le processus de recrutement.